mardi 9 mars 2010

PUISSE LE NOUVEAU DIRECTEUR GÉNÉRAL DU CRÉDIT AGRICOLE….

« Quand les gens qui ne possèdent rien auront mis en commun leur force, leur intelligence, leur moralité et leur capacité professionnelle, ils auront du crédit et une fortune. C’est l’effet admirable de la mutualité. Peut-il exister une garantie plus sérieuse de remboursement d’une créance que la caution, que l’engagement des amis qui passent leur vie avec l’emprunteur lui-même. Ne croyez-vous pas que dans les petites communes l’emprunteur cautionné par ses voisin sera toujours poursuivi par la pensée que s’il ne payait pas , les autres seraient obligés de payer pour lui : il ne voudra pas s’exposer à perdre l’estime générale par son manque de loyauté ».

Jules MÉLINE



C’est l’argument essentiel mis en avant par le Ministre de l’agriculture le 10 mai 1890 lors de la discussion à la chambre des Députés de la proposition de loi tendant à l’organisation du « Crédit Agricole et Populaire. ».


Cinq ans avant le 23 février 1885, Louis MILICENT, auditeur au Conseil d’État, déposait les statuts de la première Caisse de crédit spécifiquement agricole. Son ambition est simple : « Les uns apportent leurs capitaux momentanément disponibles et leurs économies pour les mettre à la disposition de ceux qui en ont temporairement besoin. ». Il s’agit de la Caisse de SALINS dans le Jura.


Ces braves gens qui vont créer des Caisses Locales et des Caisses Régionales à travers toute la France, n’imaginent pas qu’en moins de cent ans, leur banque dont ils vont rester propriétaires et gestionnaires deviendra la première banque européenne et l’une des premières banques du monde !


Ces braves gens n’imaginent pas que cent trente ans plus tard, leur banque dont ils sont beaucoup moins propriétaires et gestionnaires, se banalisera au point de ne plus s’intéresser au secteur primaire et prendra le risque de s’adonner aux activités coupables n’ayant plus rien à voir avec la banque, et qui on conduit à la crise économique dans laquelle nous ne faisons qu’entrer.


Il est vrai que vers la fin des années soixante, Jean-Marie DAUZIER qui fut élu de la base puis salarié du groupe central déclarait : « Le Crédit Agricole sera agricole comme le Crédit Lyonnais est lyonnais ! ».


Il faut pour être juste et ne pas sombrer dans la nostalgie, dire que la grande banque des agriculteurs ayant conduit le secteur primaire français au premier rang que fut le sien, il n’y avait plus de raison que ce secteur fut financé par un outil spécifique différent de ceux qui financent les autres secteurs de l’économie.
À ceci s’ajoute le fait que même si le principe de proximité essentiel dans la construction coopérative et mutualiste permettait au démarrage de fonctionner par des prêts entre voisins, il fallut très vite :


- dans un premier temps mutualiser les « capitaux disponibles et économies » des agriculteurs de la France entière,

- dans un deuxième temps ouvrir les services bancaires à toute la population à qui il était normal au titre de la réciprocité des services de consentir des crédits en contrepartie de la ressource qu’ils apportaient
 Si cette banalisation du Crédit Agricole fut donc une chose normale, il est par contre aberrant que ses dirigeants aient accepté de dénaturer le métier de banquier au point de donner raison à la Grèce antique où Mercure était le dieu des voyageurs, des banquiers et des voleurs.

Le Directeur Général de la Caisse Nationale de Crédit Agricole qui vient de prendre sa retraite écrivait dans son récent livre : « La banque est une industrie comme une autre. Sa matière première est l’argent, dont elle fait commerce, gère des stocks, a des clients et des fournisseurs, doit gérer un prix de revient, une marge pour couvrir ses coûts d’exploitation, ainsi que ses coûts de liquidité et ses risques. ».

Que la banque soit gérée avec la même rigueur qu’une industrie ou une PME, personne n’ira contre.

On a vu par contre, au travers de la crise des subprimes, hegefunds et autres produits dérivés, où pouvait conduire le fait de considérer que la banque est productrice de biens : de l’argent, obtenu à partir de ce même argent, alors qu’elle ne devrait être que fournisseur de services : le financement de l’économie, dans le respect des règles de saine gestion de ses activités.

Le résultat des déviances de la vocation de banquier, qui encore une fois nous ont conduit à la crise, est que le financement de l’activité économique va très mal et qu’il faut des interventions répétées de l’État pour que les crédits indispensables à l »’économie reprennent.

Ceux qui souffrent le plus sont bien entendu les plus faible, tels les agriculteurs de l’époque de MÉLINE et de MILLICENT, mais le comble de l’affaire est que l’on tend pour eux à remettre en place le système développé il y a cent trente ans, qui leur a été confisqué et a été dénaturé.
On porte en effet aux nues la microfinance, dont Muhammad YUNUS serait le miraculeux inventeur et a même été récompensé par le prix Nobel de la Paix.
 Muhammad YUNUS et la Grameen Bank du Bengladesh n’ont pourtant quoi qu’on en dise rien inventé du tout, ce qui n’enlève d’ailleurs rien à leur mérite.
La Grameen Bank, et tous les modèles de microfinance qui en découlent, ne sont que la première étape du modèle coopératif inventé par les Babyloniens. Après l’expérience des pionniers de Rochdale ou des producteurs de micocoulier dans le Gard en France, le système a été développé comme on l’a vu en France à partir de 1885.

Le drame est que face aux échecs du système bancaire, on est en train avec la microfinance de mettre en place une banque à deux vitesses, en considérant que le modèle coopératif doit en rester à sa toute première étape : celle de la microfinance réservée aux plus pauvres.

La Caisse Nationale s’est fermement engagée dans cette voie en créant la « Grameen Crédit Agricole Microfinance Foundation », qui au passage balaye l’un des principes de base de la mutualité : celui dit de proximité, par une appellation en Globish qui s’inscrit bien dans le contexte de mondialisation.
 Puisse le nouveau Directeur général qui était jusque là « Secrétaire général du Parlement des Caisses Régionales », redonner à l’Homme, sociétaire de base son rôle de propriétaire et de gestionnaire de ce magnifique outil.

C’est le défi qu’il devra relever en évitant un repli sur le modèle primitif.



Jean-Pierre Canot
Bergerac la 8 mars 2010
Apprends-nous.plutot.a.pecher@canot.info

1 commentaire:

  1. Je viens de voir votre message sur pret-credits.fr

    Je viens de découvrir un monde, merci beaucoup. Je vais m'informer un peu mieux sur le credit rural :)

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